top of page

Dossier de la semaine : Un sportif noir reste-t-il un nègre ?

Après le cas Donald Sterling aux Los Angeles Clippers, suivi du cas du binôme Bruce Levenson/Danny Ferry aux Atlanta Hawks ; voilà que la tourmente passe de Laurent Blanc à Willy Sagnol en France.

CRISTALLISER les tensions hors du terrain n’est pas la mission du sport. Dans la configuration particulière de l’équipe de basket américaine et l’équipe de football française, en majorité noirs dans un pays de blancs, les clubs se font aujourd’hui l’écho de ce paradoxe en mal. Pourtant nous sommes en 2014 et ce paradoxe ne date pas d’hier…


Le non-étonnement américain ?


« J’ai écrit un email, il y a deux ans, qui était inapproprié et offensant. J’ai banalisé nos fans en utilisant des clichés quant à leurs intérêts et en stéréotypant la vision qu’ils auraient les uns des autres. Si vous êtes en colère, vous avez raison. Je suis en colère contre moi-même également.», déclare le propriétaire des Atlanta Hawks, déchu depuis, Bruce Levenson. «Deng a encore un peu d'africain en lui. Pas dans un mauvais sens, mais un peu comme une personne qui devant vous vous montre une belle apparence mais qui fait l'inverse par derrière.» rapporte l’entraîneur des Atlanta Hawks, qui ne veut pas démissionner, Danny Ferry.


De là, est-ce vraiment étonnant ? Notre point de vue français nous fait considérer que l’Amérique a bien changé en 50 ans, de la ségrégation au premier président non-blanc d’un état occidental, mais elle reste une société raciste. En effet sous Barack Obama, deux crimes de jeunes noirs non -armés, Trayvon Martin hier et Micheal Brown aujourd’hui, ont rendu des verdicts innocentant les meurtriers présumés. Mais le sport, se voulant méritocratique et par conséquent meilleur que la société, avait condamné tout acte ayant de près ou de loin, une allusion au racisme.


L’exemple le plus probant reste l’affaire Donald Sterling, qu’a duré en longueur. Accusé de propos racistes, notamment envers la personne de Magic Johnson, il fût destitué de la franchise de Los Angeles par l’actuel président de la N.B.A, David Silver, obligeant à la vendre. De plus, l’ancien propriétaire des Clippers étant juif, cela fait bizarre qu’il soit taxé de nazi, en même temps un métis camerouno-breton a été défini comme antisémite… Mais surtout comment des hommes blancs étant en contact permanent avec des hommes noirs, du fait du contexte professionnel (le basket), peuvent avoir de tels propos, de telles mentalités ? L’argent excuserait tout ? Ou l’argent, issu de cet ultra capitalisme dangereux et brutal de la société américaine suggérait l’idée que les joueurs de N.B.A constitueraient un capital, un bien, une marchandise, au-delà de la propriété d’une franchise ?


Si l’équipe nationale ne fait pas polémique, alors ce sont les clubs


En France, ce n’est pas une question d’argent, ni un problème d’argent. Ce serait plutôt une question de perception. Laurent Blanc, ancien sélectionneur de l’équipe de France de football de 2010 à 2012, n’arrivait pas à faire jouer le onze national. Et une partie de la justification fût qu’il ne pouvait pas appliquer la formule footballistique du moment, qui marchait du feu de dieu : le style barcelono-espagnol, faits de petits gabarits et de blancs. Et Laurent Blanc, se disait coincé avec des grands gabarits noirs ou pire, des grands gabarits noirs formés en France mais jouant pour dans l’équipe de leur pays d’origine (africaine).


Maladresse de propos et excuses acceptées par la doxa, Laurent Blanc a maintenant d’autres chats à fouetter, avec le PSG, mais le malaise a été créé. D’autant plus que son successeur, Didier Deschamps, a réussi à faire jouer les bleus avec leurs particularités propres, sans fioriture. Pour Willy Sagnol, entraîneur de Bordeaux depuis le début de la saison, il y a cette similarité de malaise par rapports aux joueurs africains ou d’origine africaine : la Coupe d’Afrique des Nations l’embête. Cela lui amène à manquer de beaucoup de joueurs dans son effectif, durant un ou deux mois. Mais de là à vouloir définir de façon général ce qu’est un joueur africain, C’est sa responsabilité avant de l’attribuer au journaliste qui l’aurait trop titillé : « Le joueur typique africain c’est un joueur pas cher quand on le prend, prêt au combat généralement, qu’on peut qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot ce n’est pas que ça(…) C’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. Il faut de tout. Des nordiques aussi, c’est bien les nordiques, ils ont une bonne mentalité. » La Licra met un terme à son partenariat avec les Girondins de Bordeaux et envisage un dépôt de plainte, le président du club Jean-Louis Triaud, défend son entraîneur et Lilian Thuram demande des excuses publiques. Des excuses oui, mais peut-être pas celles que demande l’ancien défenseur au record de sélections. Il faudrait des excuses pour maladresse (encore) et bêtise. Car comme Jean Cocteau disait « Le problème avec la bêtise, c’est que maintenant elle pense ».


Oui car la bêtise humaine ne se voit pas uniquement chez les joueurs de football, mais aussi chez les dirigeants, les entraîneurs, les présidents ou les arbitres. Mais ce sont seulement les joueurs qui trinquent, sur qui se reflètent tous les préjugés que recèle le football. D’ailleurs ce sont eux « qu’on vend, qu’on achète, qu’on prête », quand les entraîneurs, « on les engage, on les vire ». Alors, comme en NBA, on signifie les joueurs comme un capital, un bien ou une marchandise, à qui on donne un profil purement physique, sachant que le football se joue aussi avec la tête. Mais surtout, la partie du propos vraiment gênante, est le terme « peu cher », faisant survoler l’ombre d’un contexte post-esclavagiste et post-colonial. Un joueur typiquement africain est peu cher ? Si on remplace « joueur typiquement africain peu cher » par « esclave nègre peu cher », y a-t-il forcément une grande différence ? Les entraîneurs s’amusent donc à joueur aux sociologues et aux philosophes (au lieu du football) sans que beaucoup de personnes trouvent à redire (Raymond Domenech parle trop et on l’écoute trop alors qu’il n’a pas grand-chose à dire… Et merci aux médias de faire le travail plutôt que défendre Zidane dans un problème qui n’en est pas un…), à contester. Sous prétexte qu’ils s’exprimeraient mieux, seraient plus polis et pratiqueraient la bienséance ?


Toujours la même question : qu’est-ce qu’être noir en Occident ?


Dans les tensions qui rendent malade notre pays, où chaque propos peut être tordu, mal interprété ou mal compris, ne nous donnons pas plus de soucis que nous en avons. Le football est avant tout un sport, un plaisir, mais comme tous les domaines de la société, il est un terrain (ha ha) d’incertitudes car le monde est en constant changement. La preuve est que le style barcelono-espagnol a détrôné par le style technico-rigoureux allemand. Mais Il empêche que l’Occident en 2014, aux Etats-Unis ou en France, a perçu qu’il y avait des noirs au sein de son espace, aussi natifs que les blancs. Mais l’Occident a-t-il conscience de ses noirs, au-delà des stéréotypes et des clichés ? Si la réponse ne semble pas négative, elle n’est pas positive pour autant car trop d’amalgames découlent des interactions sociales. Alors, le vrai racisme est-il social ?

Hamburger Pimp​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​

​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​


bottom of page