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Nick Kyrgios, le début d’une grande histoire

L’aventure aura donc duré le temps de cinq matches. Stoppé net par Milos Raonic, en quart de finale, Nick Kyrgios (19 ans) a, pendant une semaine et demi, montré tout son talent aux Britanniques.


« C’EST CERTAINEMENT LE FUTUR ». Toni Nadal le dit, et l’oncle de Rafa s’y connait en grand talent rencontré jeune. Mais le futur n’est pas le présent. Après avoir réalisé le match parfait contre le n°1 mondial, le natif de Canberra s’est fait rattraper par la réalité. Trop tendre pour effectuer un second exploit retentissant, celui qu’aurait été de s’offrir le neuvième joueur mondial : Raonic. Si Kyrgios a affiché son potentiel, il a aussi montré ses premières limites.


Un prodige en pleine ascension


144e joueur mondial avant le début du tournoi. Qui aurait pu parier qu’un gamin de 19 ans sortirait Richard Gasquet (14e mondial) et Rafael Nadal ? Probablement pas grand monde. Et pourtant, dès janvier, certains avaient repéré un jeune australien frappant parfois fort, souvent très fort, ce déplacement vite et, déjà, charismatique. Cédric Pioline le rappelait après sa victoire en huitième, « à l’Open d’Australie, on sentait qu’on avait un Top 5 en puissance ». Kyrgios n’a rien d’une surprise, c’est tout simplement un prodige qui, comme Federer, Nadal ou Agassi en son temps, a choisi un Grand Chelem pour entrer dans la lumière. Car avant cette quinzaine, il y a une ascension quasiment sans faute. Si son parcours en junior est plus que gratifiant - il a été numéro 1 et a gagné l’Open d’Australie en 2013 - c’est son évolution chez les pros qui est remarquable. Il commence l’année 2013, à Brisbanne, son premier tournoi ATP 250, au 838ème rang mondial. En dix mois, il gagne 652 places pour se retrouver au 186ème rang. Bien qu'une blessure à l’épaule le freine ; à Wilmbledon, avant le début du tournoi, il pointait au 144ème et sera Lundi dans le top 70. A seulement 19 ans. Plus qu’une surprise, c’est une progression constante qui a mené cet Australien à être capable de faire ce qu’il a fait.


De là à l’imaginer battre deux top 20 en moins de quinze jours. Il n’y a qu’un pas qui reste compliqué à faire. Surement a-t-il bénéficié de l’insouciance que lui offre sa jeunesse. Il le reconnait : après sa défaite à Nottingham, début juin, « n’arrivant pas à obtenir de bons résultats, je pensais rentrer en Australie ». Bien lui en a pris puisque depuis ce tournoi, il a enchainé douze victoires de suites. De quoi emmagasiner de la confiance.


Battu par Raonic, oui. Mais aussi battu par lui même


Les joueurs d’expériences le savent. Faire un exploit, c’est bien, mais enchainer est ce qu’il y a de plus dur. Alizé Cornet, victorieuse de la n°1 mondiale, Serena Williams, puis défaite par Eugènie Bouchard, n°13 mondiale, cette année en a fait la preuve. Kyrgios n’a pas été battu par plus fort que lui. Du moins, pas contre plus fort que ce qu’il avait montré contre Nadal. Son service a été moins performant, 37 aces face à l’Espagnol contre 15 face à Raonic (dont 11 dans le seul premier set). Il a été moins précis : alors qu’en quatre sets il n’avait commis que 18 fautes contre Nadal, 22 coups ont fini en dehors des limites face au Canadien. Enfin, son pourcentage de points gagnés au filet est passé de 80 à 65%. Trois catégories qui, sur gazon plus qu’ailleurs, font la différence.


La qualité de son premier set montre bien qu’il n’est pas arrivé stressé sur le Court n°1. Mais peut être avait-il perdu ce relâchement qui le rendait aussi imprévisible. La marge entre prise de confiance et perte de l’insouciance est souvent bien large. Pourtant, avoir l’une ou l’autre est essentielle pour enchainer. La posture de Kyrgios a changé après sa victoire contre Nadal. Plus conscient des choses, il avouait après ce match que « Maintenant que je suis à trois matches du titre, j’ai changé d’avis ». Comprenez qu’il voulait désormais remporter Wimbledon. Sauf que face à Raonic - qui, après avoir connu son premier quart de final en grand chelem à Roland, connait sa première demie - la concentration se devait être optimum. Deux actions consécutives sont symboliques de ce manque. Dans le troisième set, à 2-0 pour Raonic, Kyrgios anticipe correctement le revers croisé du Canadien et remporte le point. Sur l’action qui suit et un amorti moyennement masqué de Raonic, son démarrage est lent et il fait preuve de suffisance en n’allant pas chercher, bas sur ses appuis, la frappe.


Sans doute que l’aspect physique est également à prendre en compte pour ce garçon qui connaissait son cinquième match en grand chelem en dix jours quand il n’en avait connu que six en deux ans. Mais, pêché de jeunesse surement, c’est dans la préparation qu’il s’est trompé.


Un futur numéro 1


S’il n’a pas gagné son premier open lors de son premier exploit, comme Nadal ou Federer avant lui, il a impressionné tout son monde. Après sa défaite face à l’Australien, Gasquet concédait qu’il « a un potentiel de Top 5 et de vainqueur de Grand Chelem ». Bien loin d’un imprévu, Kyrgios continu en réalité son irrésistible ascension. Le succès attendra mais l’histoire se rappellera que c’est en Juillet 2014, à un moment où le monde n’a d’yeux que pour la Coupe du Monde, qu’un futur grand de ce sport a éclos.

Revel Benjamin

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